dimanche 15 juillet 2018

C"étais prévisible, mais le mur était si beau




J’ai quarante ans. Je ne travaille plus depuis novembre 2016 car mon très chèr employeur m'a mise en invalidité « reconnu à 100 % En ce moment, je ne sais pas trop pourquoi, mon humeur fait yo-yo. Tantôt le bonheur m’envahit me laissant être heureuse de ce que j’ai, tantôt ce qui me manque creuse un trou gigantesque et douloureux à la place du coeur. Voilà cinq mois qu'une  petite tête a fait son apparition, yeux bleu, cheveux chatain, j'ai réussi à l'amener jusqu'au bout et je devrai me réjouir, être heureuse, pour temps, en fauteuil rien n’est simple, On a beau dire que le fauteuil ne nous définit pas, on ne peut pas aller à l’encontre du fait qu’il engendre des réactions, des idées, des préjugés à notre encontre, et ce qu’ils soient justifiés ou non.

Lorsque l’on est dans la rue, quel que soit notre style, quelque soient les personnes qui nous accompagnent, le fait d’être assis et non debout, de rouler plutôt que de marcher, instaure automatiquement une certaine barrière. Et même lorsque face à nous, quelqu’un décide d’aller voir au-delà, c’est comme s’il fallait continuellement faire ses preuves.
Mon mari, depuis deux ans sa situation n'a pas changé, nous nous disputons souvent car il me dit que ce qu'il faut pour moi c'est extraordinaire, je devrai apprendre à me taire... Pourtant ce que je fais pour lui en vu de sa situation me parait justifiable et normal. Prouver que ne pas marcher ne nous empêche pas de penser, qu’être en situation de handicap ne nous empêche pas de ressentir la joie ou de la tristesse, qu’avoir vécu un événement tragique ne nous empêche pas de continuer à vivre et à faire plein de choses.

L’autre jour j’ai rencontré une puéricultrice – de PMI – qui était intriguée par la manière dont j'allais m'occuper de mon bébé, donc aprés maintes explications à monsieur, celui ci ma donné "son autorisation"pour monter un dossier d'aide à l'enfance de 2 fois 2 heures par semaine pour m'aider à m'occuper de notre fille. Plutôt que de me parler, de me poser ses questions, et même si c’est moi qui y répondais, c’est à mon mari qui lui répondait que nous avons absolument aucun besoin d'aide.

Perdons-nous à ce point toute crédibilité en tant qu’être humain doté de raison et de pensée, sous prétexte que nous ne sommes pas tout à fait comme eux ? Pourquoi certaines personnes oublient la moindre règle de bienséance, même basique, quand elles s’adressent à nous ? Quel intérêt éprouvent-elles à nous placer au rang de pauvre petite chose malheureuse ? Est-ce réellement l’image que nous reflétons ? Pourquoi toutes discussions portée sur des possible aides tournent t'elles toujours à la dispute ?
si seulement. Et rien n’est tout à fait « comme tout le monde », pour le meilleur et pour le pire. Parce que je vous ai promis de raconter toutes les facettes du handicap, aujourd’hui je vous parle : Epoux, alcool et non acceptation du handicap.

J’ai toujours été relativement raisonnable. Les trous de mémoires ou les vomissements conséquences de trop d’alcool je ne connais pas. La gueule de bois si j’ai eu…une fois. Mais même si j’avais été de ceux qui en abusent, il y a une chose qui freine toute envie d’aller trop loin : le fauteuil (et tout ce que ça implique). Pas qu’on ne puisse pas rouler droit, blague que j’ai trop souvent entendue. Non en fait c’est tout bête mais c’est quand même plus pratique pendant une soirée de pouvoir continuer à aller aux toilettes et, une fois celle-ci terminée d’être capable de se coucher.

Je m’explique.



Que ce soit par la boisson, par la fatigue ou les deux, quand il se fait tard vos muscles peinent. Si votre tête continuerait bien jusqu’à 5h du matin, votre corps lui n’est pas toujours de cet avis n’est-ce pas ? Et bien pour les handi c’est pire. Nous avons déjà un corps plus faible « en temps normal » donc si en plus on tire dessus imaginez ! Quand on va aux WC, si on veut baisser le pantalon ou remonter la robe ou la jupe, et bien il faut se soulever. Mais pour ça encore faut-il avoir la force nécessaire ! Si vous avez plus d’alcool dans le sang qu’il n’en faut, autant vous dire que c’est mort, vous n’avez plus qu’à vous faire dessus. Ainsi par respect pour vous même (d’abord) je vous assure que vous devenez prudents quelles qu’aient été vos habitudes avant. Quant à avoir la capacité de se coucher à la fin, là non seulement il faut décoller du siège mais il faut en plus avoir l’énergie de se déplacer en même temps. Alors je sais bien, le mari peut donner un coup de main quand lui même n'a pas noyer sa solitude et sa tristesse dans la boisson juste pour oublier « un temps » et c’est vrai qu’il le ferait lors de ses jours de sobriété. Mais j’ai travaillé trop dur et trop longtemps mon indépendance pour la laisser tomber ne serait-ce que dix minutes pour une raison aussi futile que celle de l’alcool.

Mais jusque là je vous parle de ce que je vis. Je répète assez souvent comme ça que chaque handicap est différent pour que vous puissiez me poser la question : et pour les autres qu’est-ce que ça donne ? Quand j'étais en centre, j'avais des ami(e)s avec une tétraplégie, une IMC plus importante que la mienne. Du coup j'imagine que parmis des trétras s 'lls ne font ne pas attention et qu’ils se penchent un peu trop en avant, ils basculent et se retrouve bloqué la tête sur les genoux. « S’il ne fait pas attention » : après trois verres il n’était pas rare que l’on se retrouve à devoir les redresser et même si l’on en riait beaucoup, ça n’est finalement pas pratique comme souci (en existe-t-il seulement, des soucis « pratiques » ?). Pour ce qui est des amis ayant une spasticité plus importante que la mienne La spasticité, au premier abord, on aurait tendance à la haïr. Vous voyez le matin, quand vous vous sentez tout tendu et que ça vous amène à la nécessité (et le bonheur) de vous étirer ? Et bien imaginez vous sentir comme ça sans jamais pouvoir y remédier. Sympa non ? Cette raideur continuelle, en plus de ne pas être bien agréable, empêche la fluidité des mouvements : il devient difficile de se « déplier ». Étendre les jambes, tenir son dos droit, ouvrir ses doigts… Mais il n’y a pas que ça. La spasticité, c’est aussi (parfois) des mouvements incontrôlés ,Car à force de la côtoyer, nous apprenons à l’apprivoiser, à la prévoir, la sentir venir et… à nous en servir ! Car en contractant un muscle ou en faisant tel mouvement, nous savons peu à peu la déclencher, la solliciter. Pour quoi faire ? Aider à monter la jambe quand il faut s’asseoir dans la voiture ou se mettre dans le lit par exemple. Sans elle, ma jambe droite ne serait pas capable de grand chose. Avec elle, j’ai une force en plus qui me permet de soulever le dit membre. Pour mettre enfiler ou retirer culotte ou pantalon notamment, c’est quand même mieux. Je ne parle même pas de mon bras droit, lui est toujours replié si être un peu grisé après une choppe de bière leur permettait d’oublier qu’ils ont mal , elle les empêchait aussi parfois de se servir correctement de leurs jambes pour marcher. Choix cornélien.

Et puis la plupart d’entre nous avons des médicaments aussi (douleur, spasticité, digestion…), certains faisant très mauvais ménage avec certains alcools : j’en ai un qui me met dans un état moral pas vraiment joyeux lorsqu’il rencontre du vin rouge (et seulement quand c’est du vin rouge) par exemple. Tout ça nous ramène finalement quelques années auparavant : on doit recommencer les tests pour apprendre et comprendre nos nouvelles limites, en connaître les conséquences, le pouvoir que l’on a dessus et faire le choix de prendre des risques ou non. En ce qui me concerne je ne compte pas en prendre de trop grands. J’évalue à quel niveau je suis lorsque je vais aux toilettes par rapport à la difficulté que je vais avoir et le temps que je vais mettre à faire ce que j’ai à y faire. Et ça marche plutôt bien, je refuse d’un jour me retrouver dans un état que je ne pourrai pas gérer toute seule par égard pour moi, , pour mes proches et de mon mari alors comprenez que je rage quand il se joue de mon handicap car tout ceci il le savais avant de venir vivre à nos cotés comme moi j'intègre pleinement le fait de devoir subvenir entièrement à ses besoins et encore pour un moment certain.

Mais c’est mon choix. On est qui l'on est parfois ça inquiète d'autres fois ça rassure et aujourd'hui j'ai envie que ça m'inquiète. Comment ai-je pu en arriver là ? L'abus d'optimisme ? Une vision peut être trop bienveillante, je n'ai pas vu le coup venir. Étais-je devenue aveugle entre temps ou bien avais-je fait confiance à quelque chose qui m'avait trahis profondément ?